Notre gouvernant et ses satellites s’en sont allés en Bavière, cette semaine. Ils en serreront des mains, en prendront des photos, en débiteront des verbiages et en écouteront des promesses. « Où est le kérosène ? », commentera, d’une manière aigre, l’ancien conseiller de l’ancien président. « Où est Taïeb Baccouche ?», commentera-t-il, peu après. L’aspect peu utile d’un pareil voyage, l’absence pour la deuxième fois lors d’un séjour important -à l’étranger justement- du ministre des Affaires étrangères sont de moindre importance, compte tenu des belles prises qui y auront été faites. Magnifiques clichés devant une montagne aussi brumeuse que notre vision de citoyens haletants.
Et nous haletons, matin et soir, derrière une actualité surréaliste car toute notre actualité rentre dans la case « insolite ». Pour peu que disparaisse, comme par enchantement, l’effet anesthésiant de l’habitude, on verra clairement que nous pataugeons en plein délire anarchique.
Instituteurs en grève ! Les élèves tunisiens, ceux du public uniquement, ne passeront pas leurs examens de fin d’année. Le bizutage du ministre nidaïste de l’Education devient un peu lourd. Qu’on l’arrête, de grâce, ça ne fait plus rire personne ! Les photos circulant sur la toile d’un ministre dépassé n’intéressent que ceux que la rivalité partisane a aveuglés. L’image des enseignants pitoyables se confirme, mais autrement. Certains parmi eux en voudront aux journalistes de n’avoir pas défendu leur cause. Une rancune musclée qui a fait ressortir le côté voyou de ceux qui sont censés incarner et inculquer de nobles valeurs à leurs élèves. Quant aux élèves et à leurs parents, quoique pouvant constituer une véritable force de contrepoids, ils continueront à être le maillon faible de la chaîne ; broyés au milieu d’une force syndicale et d’une force officielle, dans une bataille qui met à mal le « marché du savoir ».
Car le savoir est devenu une « marchandise » qu’on a du mal à offrir, qu’on vend dans le cadre du marché parallèle et florissant des cours particuliers et qu’on monnaye dans les enchères des grèves et des revendications syndicales. Non, je ne donnerai de mon savoir à vos enfants que quand j’aurai eu ce que je demande : plus d’argent et tant pis pour la dignité. Et puis la dignité, depuis qu’on en a fait un slogan révolutionnaire, elle est matérielle ou n’est pas !
Pour être digne, il faut donc réclamer plus ! C’est la vision qui ressort de la plupart des mouvements sociaux qui fleurissent ça et là en Tunisie, en cet été qui débute lourdement. Pour être en harmonie avec la définition nationale de la dignité, on réclamera plus, dans quelques villes du sud, à coup d’anarchie en tous genres, de postes de police en feu et de véhicules incendiés. Peu importe le contexte national chancelant. Qu’importe si Daech est à nos portes et si la Libye est contagieuse. A chacun son mal et le nôtre est aussi endémique. Il s’étend du nord au sud et il mine le pays de l’intérieur, des tripes de cette Tunisie vidée ou faussement garnie. Ce qu’elle est laide la dignité mercantile qui fait tâche au milieu de l’espoir de voir ce pays s’en sortir !
Pétrole. Elèves. Elèves, vous êtes notre pétrole. L’assemblage n’est pas de moi, mais il est le fruit du génie de la com’ qui fait dire à Béji Caïd Essebsi des répliques « buzzante », pouvant alimenter les réseaux et créer, artificiellement, un effet subversif. On répond aux maux par les mots et on soigne les apparences, alors que la laideur intérieure ressort de partout. Peut-être avons-nous besoin de rigueur pour nous en sortir ? Peut-être avons-nous besoin d’une autorité bien incarnée pour dépasser la crise ? Peut-être est-il temps d’évaluer la crise pour aller de l’avant ? Point de salut par les gouvernants, ils sont occupés à construire leur propre avenir, je l’ai déjà écrit je sais. Point de salut par l’élite, on ne peut tout de même pas changer le monde à travers des statuts Facebook ! Non, mais laissons ce beau monde somnoler ! Pour nous tirer vers le haut, il faudrait qu’il arrête lui-même de creuser.
Au G7, après les accolades et une photo de groupe où l’on voyait fièrement le drapeau national flotter en Allemagne, Béji Caïd Essebsi s’est exprimé, en nos noms. Au nom de tous les Tunisiens dignes, il a demandé, solennellement, aux puissances mondiales réunies, de l’aide, pour que notre transition démocratique réussisse. En voilà une bonne cause ! Une dignité ça se vend, mais une dignité ça s’achète aussi. Le président de la République a réclamé de l’aide. On verra si elle viendra ou si la demande n’en fera que plus nous enfoncer dans le pathétique. Que pouvait-il faire de plus pour nourrir toutes ces bouches ouvertes et ces ventres vides ? Que pouvait-il faire pour nous trainer et nous faire avancer ? Monsieur le Président, la tâche n’est pas aisée, on vous le concède. Alors aidons-nous d’abord, et le G7 nous aidera ! « La seule vraie dignité de l’homme est sa faculté de se mépriser », écrivait un penseur américain. Avec toute l’inconscience qui nous mine, nous sommes sur le point de découvrir enfin la seule vraie dignité.
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