En quittant l’ère Ben Ali, la Tunisie aspirait à une ère meilleure. Puis est venue la Troïka et son lot de déceptions engendrées par une gestion peu concluante du pays. En quittant l’ère de la Troïka, la Tunisie a aspiré à une ère meilleure. Et puis est revenue l’ère de Ben Ali, sans Ben Ali, mais avec des événements nous rappelant que nous sommes toujours en faillite morale et politique. La victoire des démocrates vécue sur un mode euphorique les premiers temps est désormais perçue comme une arnaque. Le parti ayant accédé au pouvoir en est, par le biais de ses déboires actuels, le premier acteur. Le constat est consternant et les remous dépassent la sphère partisane pour atteindre la présidence de la République également.
La scission au sein de Nidaa est une richesse, déclarait, à peu près dans ces mots, un des dirigeants dudit parti, Faouzi Elloumi en l’occurrence, ce midi sur les ondes de Mosaïque Fm. Deux blocs à l’assemblée pour un même parti ça serait positif, selon sa théorie. En réalité et au-delà du discours excessivement maquillé, ce qui se passe à Nidaa n’augure rien de bon. Au delà de l’aspect constitutionnel de la suite que prendront les événements. C’est une balle de plus que le camp des démocrates aura offerte à Ennahdha. Le parti islamiste y gagne en priorité dans le cadre des commissions. Il y gagne en supériorité numérique et en terme d’autorité dans le cadre du choix d’un potentiel nouveau gouvernement (une série de conditions à cela, une série d’arguments prouvant le contraire aussi, mais le fait est là !). Au final, les pseudo démocrates que des millions de votes anti-islamistes essentiellement ont amenés au pouvoir ont engendré l’échec de leur propre camp.
Derrière cette « fissure », une guerre de clans qui n’est pas sans rappeler la fin de règne d’un Ben Ali, déconnecté pendant que sa famille frustrait tous les Tunisiens. Et la Tunisie qui pensait en avoir fini avec la famille régnante, « les fils de » et « les gendres de » se retrouve en plein conflit autour de la filiation justement. L’autorité en héritage, c’est en effet, ce contre quoi les élus qui se sont retirés du bloc parlementaire de Nidaa disent lutter. Hafedh Caïd Essebsi, fils de son père président, serait donc une des premières raisons d’un conflit qui prend des proportions importantes. L’ambition du fils est entrain de malmener l’édifice construit par le père. Père qui ne réagit pas ou trop peu.Etre président de la République, ça impose des réserves qu’on outrepasse seulement quand on en a envie. Autrement, ils font un bon prétexte pour maintenir le statu quo.
Pour essayer de calmer les tensions rien de mieux qu’une dose de langue de bois et d’amitié parmi les médias. Le peuple y est habitué et ça a marché 23 ans durant. Des discours en arabe littéraire (peu soigné), une panoplie d’adjectifs mélioratifs pour repeindre en couleurs un réel plus noir que blanc et un portrait idéal pour un pays qui tombe dans la trivialité. C’est ce que nous offrent les dirigeants du pays : des tranquillisants à la place du curatif. Et quand l’effet n’est plus celui escompté, que la patience du « patient » atteint ses limites, que le traitement ne fonctionne plus et que l’esprit critique se manifeste de nouveau, les méthodes changent. Les membres dissidents du parti deviennent des traitres, leur rébellion une offense à la patrie et ceux qui les soutiennent des dupes qui n’ont rien compris. Il est vrai que ce qui se passe est incompréhensible, car dépassant l’entendement.
Pour couronner la série de conflits, le dernier litige en date est l’incident provoqué par la présidence de la République, hier, dans le cadre de la transmission télévisée des festivités relatives au Prix Nobel de la Paix. La télévision publique mise à l’écart, Nessma mise en avant. Cela n’a pas plu qu’une chaîne privée ait la main sur ce qui devait revenir à la Télévision nationale. Simple maladresse ou cadeau fait à ladite chaîne et à son propriétaire proche du président de la République ? Pas de réponse hormis un communiqué de presse de Carthage jetant plus de flou qu’il n’en dissipe.
Des clans au niveau des partis, des clans parmi les médias, des clans parmi nos décideurs. Nous n’en avons pas fini de subir les conflits de nos dirigeants capables de se damner pour nous commander. Nous sommes un peuple exceptionnel, en effet, un peuple que les politiciens adorent duper, faisant miroiter, chacun, l’image d’un avenir meilleur que ce qui précède. Derrière ces images de façade, un amateurisme que les premières épreuves mettent à nu. Le Prix Nobel de la Paix n’y pourra rien, nous sommes en guerre contre la médiocrité.
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