Nidaa, il n’en reste qu’une catachrèse faisant survivre, au-delà du parti parti en poussière, un nom apposé comme un appel dans le vide. L’appel en écho d’un parti qui n’est plus ressemblant au projet politique initial pour qui plus d’un million d’électeurs ont voté. Nidaa n’est plus. Il n’est plus, aux yeux de beaucoup de ceux qui l’ont vu naître. Pourtant, Nidaa n’est pas arrivé au pouvoir seulement par la force de persuasion de ses dirigeants, mais surtout par la mobilisation de plusieurs Tunisiens qui ont pratiqué un propagandisme gratuit, au nom de la patrie et de la duplication du modèle bourguibien. Ceux-là avaient vu le parti de Béji Caïd Essebsi comme l’unique alternative pouvant réanimer le pays après le règne de la Troïka.
Nidaa qui s’offrait alors comme la solution n’aura, toutefois, pas permis à la Tunisie de sortir de la crise, car en crise lui-même. Il a incarné le parti démocrate par essence pour qui il fallait voter utilement, si dudit camp on se disait, mais s’est avéré être une pure imposture en termes de gestion et de structuration. Nidaa qui déçoit au niveau de l’application démocratique à l’échelle de sa propre organisation peut-il encore avoir la confiance de ceux qui l’ont propulsé ? Le parti au pouvoir a perdu, après ce weekend mouvementé, plusieurs élus, plusieurs dirigeants et plusieurs personnes de sa base électorale et de ses fidèles porte-voix.
Nidaa Tounes on le pensait fendillé, le voilà qui s’effrite complètement. Parti aux identités multiples, il se décompose, comme éreinté par l’exercice du pouvoir. De deux camps pro Hafedh Caïd Sebsi et pro Mohsen Marzouk, la scission du parti au pouvoir devient une véritable cassure mettant en péril l’avenir de ce parti, dans sa conception première. La guerre des egos a été l’ultime épreuve pour le parti de Beji Caïd Essebsi. Une fois arrivé au pouvoir, le parti qu’on pensait être le plus fort du pays s’avère être un cheval de Troie ayant juste permis à certains d’atteindre les hautes sphères de l’exécutif. Et une fois parvenus, les desseins ont changé, le but n’étant plus le pouvoir sur l’échelle nationale mais à l’intérieur même du parti, le meilleur propulseur pour les étapes à venir.
Et pour les étapes à venir il faudra composer avec un Nidaa dirigé par le fils du président de la République, un directeur exécutif aux compétences politiques fortement mises en doute. Un « fils de » qui n’a pas fait profil bas pour dissiper les conflits qu’a suscités son ascension mais qui a tenu tête pour parvenir au sommet de Nidaa. Hafedh Caïd Essebsi a été appuyé par ceux qui se sont ralliés à sa tendance et par son propre père. Le fondateur du parti a, en effet, joué son rôle de père faisant fi des restrictions que son poste de président de la République imposait. Un président de tous les Tunisiens redevenant, le temps d’un congrès, porteur d’un message partisan explicite et d’un autre tacite : je suis proche de Nidaa encore, je suis du côté de mon propre fils et je cautionne sa démarche.
Le congrès national venait résoudre les problèmes d’un parti qui s’offre, depuis des semaines, en spectacle. Le temps d’un weekend, les retrouvailles des Nidaïstes ont fini par les séparer définitivement. Des démissions en nombre et ceux qui avaient eu des doutes quant à la plausibilité de leur départ, ont été réconfortés dans leur position. Un congrès qui a exclu quelques-unes des composantes importantes du parti et un parti avec une nouvelle structure mise en place sans élections. Consensuellement, dira-t-on, c’est consensuellement que Hafedh Caïd Essebsi sera nommé au sommet d’un Nidaa en ruine.
Allant dans le sens du consensus, Nidaa offrira la vedette, lors de son congrès, à Rached Ghannouchi, celui qu’il s’était promis de combattre au nom de l’utilité du vote. Le leader islamiste a été accueilli chaleureusement. Acclamé par ceux que l’habitude d’applaudir ne laisse plus réfléchir quand il faut taper des mains et quand il faut battre des pieds. Applaudi, Rached Ghannouchi, qui se faisait traiter, à chaque manifestation des Nidaïstes, d’assassin. Applaudi, Rached Ghannouchi, et sa métaphore des deux ailes. La Tunisie, le dirigeant d’Ennahdha la représente comme un oiseau dont Nidaa est une aile et son parti islamiste l’autre. Dualité nécessaire pour que le pays prenne son envol ou bipolarité politique faisant s’envoler les rêves d’un camp démocrate que l’on voulait fort ? Nidaa Tounes, je l’ai enterré, a conclu aujourd’hui Bochra Bel Haj Hamida. Constat amer pour un pays en proie à l’hypocrisie politique et l’avidité du pouvoir, un mal amnésique qui frappe ceux qui parviennent et dont la contagion atteint ceux qui les entoure. Nidaa Tounes, une catachrèse, un nom désormais sans substance et un choix électoral au goût de regret.