La semaine écoulée a, quelque peu, été marquée par les échos relatifs à une émission télévisée qui a mis sur le devant de la scène le terrorisme, qui en a occulté les aléas et qui l’a représenté d’une manière empathique allant jusqu’à frôler l’indécence par rapport à ce pays encore ébranlé à vif par ce fléau.
En cette semaine qui commence, en mettant en vedette Abdelhakim Belhaj, c’est au tour d’une autre chaîne, de frôler l’indécence envers un autre pays encore ébranlé par le banditisme politique.
Alors que le pays foisonne en actualité, suite aux récents événements sanglants de Jendouba, que les attentes des Tunisiens sont grandes quant à ces médias encore rangés dans le camp des démocrates, la programmation de Nessma Tv, à une heure de grande écoute, en a étonné plus d’un.
Cela s’apparentait de près à un reportage de commande, au contenu intrusif tant il est accessoire et orienté. La chaîne a voulu « vivre avec la Libye les trois ans écoulés depuis le début de sa révolution, dans un désir de confirmer son appartenance maghrébine », c’est ce qu’a annoncé le journaliste en présentant cet interlude libyen qui n’a pas été au goût de tous.
Une équipe de la chaîne a, en effet, fait le voyage pour interviewer, entre autres personnes, Abdelhakim Belhaj. Ce nom est connu des Tunisiens pour avoir été évoqué par Taïeb Laguili, dirigeant de l’IRVA, dans le cadre de l’assassinat de Chokri Belaïd. Il a, en outre été évoqué, lors d’une information concernant un voyage en Libye qu’auraient effectué des journalistes, des avocats et des militants, aux frais de M. Belhaj, afin de s’enquérir de la situation libyenne.
Cependant, sur Nessma, malgré une actualité en relation avec le terrorisme encore fraîche et une actualité en relation avec l’approche médiatique encore pestiférante, l’on a fait le choix de présenter Abdelhakim Belhaj en grand seigneur et en illustre figure politique de la scène libyenne. « Comment passer de celui qui a porté l’arme et s’est allié à Al Qaïda pour se situer sur la place politique à celui qui fait de la politique : le peuple doit mûrir dans ce sens », c’est ce qu’a dit littéralement, un des invités dans ce reportage diffusé hier.
Cela n’est pas sans rappeler certains acteurs de la scène politique tunisienne dont les actes de nature terroriste ont porté atteinte à la Tunisie entière à la fin des années 80 et qui reviennent aujourd’hui en politique tels des révolutionnaires au combat patriotique indéniable. Cependant, pour se blanchir et pour réintégrer l’arène politique et médiatique, certains n’ont visiblement pas lésiné sur les moyens.
Des chaînes de télévision nous ont chanté, à tue-tête, les louanges du gouvernement et de ses composantes partisanes. Des journaux ont fait le parti pris de se positionner en tant que défenseurs des islamistes ou des CPRistes hier encore au pouvoir. D’autres ont carrément fait le choix, moyennant une enveloppe bien garnie, d’être les souteneurs de personnalités politiques peu populaires.
Tel est le cas de Mokdad Mejri, ce journaliste qui ne s’est pas caché d’avoir perçu une certaine somme de la part de Rafik Abdessalem, gendre du leader islamiste Rached Ghannouchi et accessoirement, ancien ministre des Affaires étrangères et ce pour les besoins d’un travail médiatique sur commande.
Alors qu’ils se débattaient contre les affres de la dictature, le poids du contrôle et les tributs de la censure, nos médias sont désormais face à un spectre nouveau, celui de leurs propres travers, de l’avidité du gain et de la tentation quant à la corruption.
L’importance qu’a le paysage médiatique dans le cadre de l’esquisse sociale et politique de cette Tunisie qui s’affine, n’est plus à prouver. Cependant, le secteur demeure ébranlé par des querelles internes entre structures syndicales et structures patronales (voir notre article), une absence d’éthique chez certains et de morale chez les autres. Nos leaders d’opinion, nos politiciens, nos médias et nos journalistes poursuivent, en clair, la même quête, celle de se connaître à défaut de connaître ceux qu’ils représentent.