Vous avez sûrement déjà vu le bal des candidats à la présidentielle se faisant filmer aux portes de l’ISIE en flagrant délit d’opportunisme. Voici venu le temps des têtes de liste! Ils défilent, depuis quelques jours, sur nos deux chaînes nationales, dans le cadre des séances d’expression directe pour les législatives. Au programme : langue de bois à outrance, bafouillage par endroits, hésitations et amateurisme à volonté.
Un exercice de style a été imposé aux candidats ambitieux : parler devant une caméra ! Durée du calvaire : 3 minutes. Cela a donné des perles qui pourraient faire l’objet d’un bêtisier hilarant et cela fait le tour sur facebook, buzze et fait rire, pathétiquement.
Ce grand oral auquel se sont soumis nos politiciens- souvent en herbe- s’avère être très efficace. Car on a beau bien porter la cravate, avoir les épaules larges, se mettre en affiche sous son profil le plus valorisant, arborer le plus aguicheur des sourires, il suffit d’entrouvrir la bouche pour que les pires failles émergent.
Sans être ségrégatifs, pourquoi voterions-nous pour un candidat au lieu d’un autre ? L’expérience a montré qu’il ne faut pas élire un candidat sur la base de son appartenance partisane. Le candidat en question peut, en effet, changer de bord, quitter son parti et en intégrer un autre. Comme on changerait de chemise, il serait capable, à l’instar de nombre d’élus de l’ANC, de changer de parti.
On nous appelle à voter abeille, aigle, poisson, œillet, lunettes, palmier, ampoule, enveloppe…. On nous fait de drôle de shows télévisés tous les soirs, on nous fait beaucoup de promesses. Les yeux rivés sur leurs notes, beaucoup de têtes de liste, candidats à l’assemblée nationale, semblent être incapables de nous présenter, les yeux dans les yeux, même par écrans interposés, ce qu’ils ont préparé pour nous. Et ils nous font des promesses ; des promesses souvent en inadéquation avec notre réalité, coupées de nos attentes et se contentant de flirter avec nos rêves les plus fantasques sans aucun souci de leurs faisabilités.
Il faut savoir que beaucoup de têtes de liste sont des politiciens en herbe. Des hommes d’affaires au portefeuille bien garni, des individus aux égos en quête d’une gratification nationale, des opportunistes aspirant à un gain facile, des scélérats cherchant à avoir l’immunité s’évertuent à nous faire pencher vers eux. Ces candidats à qui l’on devrait dire « sois candidat et tais-toi ! » se font plus remarquer que les politiciens confirmés, ceux dont on ne voit plus les performances dans le flux débordant de médiocrité.
Trois minutes pour se présenter, trois minutes pour nous charmer, trois minutes pour un siège d’élu, un salaire tentant, une immunité et un certain pouvoir. Un speed dating préélectoral nous mettant face à un jeu de mauvais acteurs voulant nous faire croire (pour beaucoup, pour ne pas généraliser et en offusquer la sincérité de certains) que seule l’ambition de nous servir les guide. Et ça s’entoure de slogans, d’affiches, d’offrandes, de tables rondes et d’équipes com, et ça s’enfonce dans une démesure qui n’a d’égal que l’ambition outrageuse de ceux qui rêvent de pouvoir, une démesure nous rappelant que derrière elle se cache, dans bien des cas, les pires des banalités. Une démesure nous prouvant que, comme le dit l’adage, l’habit ne fait pas le moine. Ben Ali avait tout compris en optant pour le choix d’être un président en mode muet. Parlant très peu à l’écran et en public, il s’était fait respecter, entre autres, par un silence qui lui prêtait un semblant de charisme ; charisme qui fait défaut à nos apprentis politiciens que les règles de l’offre et de la demande ont mis à nu.
Nous en sommes encore au stade où l’on peut décider, où l’on a le pouvoir de choisir ceux à qui sera donné le pouvoir. Pour arriver à nous représenter ou même à nous diriger, la caste politique défile devant nos regards de téléspectateurs-citoyens-électeurs hébétés par tant de médiocrités, de mensonges débités, de jeux de bras, de main et de langues fourchues, de démagogie, de trivialité et de silence. Parce qu’il y en a qui étonnent aussi par leur silence…
Encore deux mois, au moins, que durera le jeu des chaises musicales, les dès sont pipés, entend-on, et, pourtant, il faudra les supporter, ces têtes de candidats nous disant tout sauf la vérité. Est-ce si dur de dire : oui je me présente, parce que j’ai une ambition à satisfaire ? Le jour où on aura trouvé le candidat capable d’assumer pleinement ses choix et susceptible de ne pas nous prendre pour des cons, on aura trouvé notre homme providentiel. En attendant, tentons de trouver du bon dans le mauvais, de chercher, même par dépit, celui qui sera le moins pire et de ne surtout pas se dire que le meilleur est de ne pas voter.
Consulter la source