Ils sont 69 à se disputer un siège ! Un siège à l’ANC vaut cher, en marketing politique, en argent investi et en bulletins dans l’urne. 69 de toutes parts venus, de droite, de gauche, d’en haut et d’en bas, en avant toutes ! Un siège vaut cher en popularité pour certains, en puissance pour beaucoup, en revenus pour quelques autres. Ils sont issus de tous les bords politiques, des partis, de leurs coalitions, de leurs agents, anciens ministres, sportifs, chanteurs, hommes d’affaires… tous se concurrencent pour un jeu de chaises musicales où seuls eux jubilent. Quant au reste du peuple, le plus concerné par la chose, il serre les poings, en attendant que la politique devienne moins folle, que le politique s’assagisse et retrouve la raison, celle qui ferait primer la patrie au dessus de l’ambition, de l’ego et du projet purement partisan.
En tête de liste l’on placera sa meilleure façade, son candidat le plus éloquent, le plus virulent sur les plateaux, le moins grillé publiquement, le plus fort en promesses, le plus crédible en mensonges, le plus riche et le plus généreux. Rude est la concurrence et dur est le choix ! Pour l’électeur l’on simplifiera l’affaire : il faut voter pour le vélo, pour la paire de lunettes, pour l’ampoule, pour le palmier, pour l’œillet… nous prend-on pour des abrutis ? Le sommes-nous, un peu? Les prochains scrutins le diront. En attendant et en l’absence de sondages susceptibles d’aiguiller les plus avertis et d’influencer les plus crédules, la question qu’on se pose est incontestablement : pour qui voter ?
Pour qui voter quand on ne se reconnaît pas dans l’ancien député qui a trop parlé pour ne rien faire au final? Est-ce raisonnable de refaire confiance à ceux qui ont échoué, quoiqu’ayant finalisé la constitution ? Voter donc pour qu’un élu sortant-entrant continue à nourrir ses projets de carrière politique de l’argent du contribuable et s’attendre à ce qu’il réussisse là où il a lui-même échoué ?
Pour qui voter quand on ne se reconnaît pas dans les anciens ministres ? Ils n’ont rien fait de concret à part percevoir des salaires en se faisant passer pour des spécialistes indépendants. Ils se sont avérés être des taupes dans un système qui les avait cru sur parole et ils reviennent publiquement en politique sous des houlettes partisanes.
Pour qui voter quand on ne se reconnaît pas dans les novices en politique ? Oui, nous avions élu des novices en 2011 mais des novices, nous l’étions aussi et nos choix d’hier ne peuvent plus être ceux de demain. Tout populisme mis à part, le rendement d’un Kassas ou d’une Toumia nous aura définitivement prouvé que la politique n’est pas donnée à tout le monde, quand bien même M. Tout le monde serait-il bien disposé à en faire son gagne-pain.
Pour qui voter quand on ne se reconnaît pas dans ces nouveaux néophytes d’un autre type ? Ces hommes d’affaires que l’on sort du chapeau, à qui l’on fait les poches et dont on lècherait les bottes pour les faire apparaître en tête d’affiche ou en remplacement de têtes d’affiche refoulées. Politiciens en herbe aux nerfs d’acier, ces « infiltreurs » du système proposent un jeu gagnant-gagnant : oui, à ce niveau, l’apport pour l’économie est plus susceptible de venir de ceux qui connaissent bien les besoins de ce secteur, mais ceux qui en connaissent les rouages sont les plus à même de tirer un maximum de profit indirectement en devenant législateurs, juges et parties.
Pour qui voter, bon sang pour qui voter ? Pour Ennahdha qui a tout de même eu sa chance en matière de majorité? Pour Nidaa qui prône le patriotisme et qui a tout de même préféré faire cavalier seul ? Pour l’UPT dont le nom n’augure rien de bon et qui a le mérite après tout d’avoir prôné l’unité face à un projet opposé au sien ? Pour Wafa ou pour le CPR qui sont encore incapables de passer outre le passé, encore en plein « délire » de vengeance, trois ans après? Voter pour ces petits partis qui rêvent de devenir grands ou pour ces grands qui se sont avérés être trop petits ?Trop petits pour mériter nos votes, trop petits pour la Tunisie.
Oui mais pour qui voter ? Le vote de 2011, nous avait confrontés à une part de nous-mêmes que nous ne connaissions que trop peu. Comme si l’on avait accouché d’un bébé chinois, beaucoup avaient du mal à se projeter dans un législateur barbu ou prenant sa légitimité de Skype. Les élections de 2014, nous montreront que, trois ans après, un second essai dans l’exercice concret de la démocratie peut faire naître un bébé à la « race » inattendue… car le fruit d’un accouplement contre-nature, du Tunisien avec la diversité.
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