Mahmoud Bouneb est l’ancien directeur exécutif d’Al Jazeeera children et de Baraem, des chaînes spécialisées qu’il a dirigées depuis 1999. Mahmoud Bouneb est surtout un citoyen tunisien, otage d’une injustice, victime de la justice qatarie qui le prive, depuis deux ans et demi, de son droit au voyage. Séquestré loin de son pays, Mahmoud Bouneb est en attente de la suite de son procès prévue pour le 4 juin 2014. Ce sera la 10ème étape judiciaire d’un journaliste dont le sort est entre les mains de la justice depuis septembre 2011.
Quand l’affaire de Mahmoud Bouneb a été rendue publique, l’intérêt qui s’y portait se faisait rare. Seuls quelques syndicats dont le Syndicat national des Journalistes tunisiens et quelques militants des droits de l’Homme dont Saïda Garrach et Abdessattar Ben Moussa ont dénoncé l’injustice subie par ce citoyen tunisien jugé pour mauvaise gestion des chaînes pour enfants du groupe Al Jazeera.
Le premier motif de l’affaire, au centre de laquelle s’est trouvé Mahmoud Bouneb, était en relation avec une «dilapidation de biens publics». Mais une enquête officielle de la Cour des comptes qatarie et un audit d’Ernst & Young ont innocenté l’ancien directeur. «Ici, tout est fondé sur la décision arbitraire des cheikhs. Il est inutile de chercher une autre logique», a commenté, à un journal suisse, le Tunisien Fayçal Hassaïri, ex-producteur exécutif de la chaîne qui l’a d’ailleurs quittée.
Malgré une relation harmonieuse avec le Qatar, la Tunisie n’avait pas, jusque-là, évoqué ledit dossier, malgré plusieurs demandes émises de la part de ceux qui ont été sensibles au dossier et qui ont exhorté les officiels tunisiens à agir. Peut-être ne fallait-il pas importuner ce nouvel ami de la Tunisie ? Peut-être pouvions-nous, au mieux, lui demander une faveur ? Celle d’examiner de près le dossier d’un citoyen tunisien bloqué, deux années durant loin de son pays.
A la veille du procès du 28 mai 2014, 9 ème dans la série de supplices que connaît le journaliste, le bureau nouvellement élu du SNJT a organisé une conférence de presse, pour ranimer l’intérêt pour le dossier Bouneb, évoqué, auparavant par l’ancienne présidente du syndicat Néjiba Hamrouni. Celle-ci avait annoncé, en date du 7 décembre 2012, la décision de mettre en place un comité de soutien composé de journalistes et d’avocats. Elle avait aussi, dans le cadre d’une déclaration accordée à Shems Fm, indiqué que l’ambassadeur qatari avait tenu pour responsables le gouvernement et ambassadeur tunisiens au Qatar qui seraient ainsi derrière la lenteur que connaît le dossier.
En Février 2014, Aymen Rezgui membre du bureau du SNJT a relevé le manquement duquel serait coupable la Tunisie à travers ses officiels, ses différents gouvernements et sa diplomatie dans le cadre de la gestion du dossier Bouneb avec le Qatar. Au début du mois d’avril et alors que l’Emir du Qatar était en visite en Tunisie, Mahmoud Bouneb est intervenu sur la chaîne Tounessna et a pointé du doigt « une nonchalance quant à la souffrance » du citoyen tunisien qu’il est.
Privé de son salaire et de sa couverture sociale, Mahmoud Bouneb a vu son procès ralenti par des démarches tortueuses. Le but était, selon lui, de rallonger la procédure et de faire durer son supplice. Sa famille a lancé, plus d’une fois, des appels aux officiels tunisiens et aux autorités qataries, pour que soit accéléré le traitement de son affaire afin qu’il puisse regagner la Tunisie au plus vite.
La mobilisation tunisienne a commencé à prendre forme, suite à la médiatisation de l’injustice subie par Mahmoud Bouneb, l’engagement de la société civile à travers des organismes comme la Ligue des Droits de l’Homme envers sa cause et l’appel à l’action lancé par plusieurs personnes dont des députés à l’ANC.
L’UGTT, le comité de soutien et d’autres parties ont porté le dossier à Mehdi Jomâa, chef du gouvernement. Mehdi Jomâa a été supplié par Mahmoud Bouneb sur Nessma Tv en février d’agir en sa faveur, il a été exhorté à œuvrer pour le déblocage du dossier par l’UGTT. Abdessattar Ben Moussa, président de la Ligue tunisienne des Droits de l’Homme a déclaré en marge d’un sit-in organisé par le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse, en février 2014, que le Quartet a présenté au chef du gouvernement, le dossier du journaliste pour qu’il soit informé de tous les détails qui lui sont relatifs.
Cependant, la visite de Mehdi Jomâa au Qatar, le 17 mars 2014, dans le cadre d’une tournée aux pays du Golfe ne semble pas avoir débloqué la situation. Suite à ladite tournée, Mongi Hamdi, ministre des Affaires étrangères, a annoncé, lors de la conférence de presse qu’il a tenue le 22 mars 2014, que l’affaire du journaliste Mahmoud Bouneb, poursuivi en justice au Qatar, n’a pas été évoquée au cours des entretiens. «Ce qui ne signifie pas que cela ne bénéficie pas d’un suivi attentif», a-t-il justifié.
En l’occurrence, le président de la République, Moncef Marzouki, lors de sa dernière visite à Doha en 2013, était intervenu en faveur de l’ancien directeur exécutif d’Al Jazeera. Il a, également, évoqué le dossier avec le prince Tamim lors de sa visite en Tunisie. Celui-ci s’était engagé pour qu’une solution soit trouvée rapidement afin que M. Bouneb puisse rentrer en Tunisie au plus vite. C’est ce qu’avait précisé Adnene Mansar, porte-parole de la présidence de la République, lors d’une conférence de presse tenue le 5 avril 2014.
Les députés de l’ANC ont, à leur tour, manifesté un intérêt pour le dossier du journaliste tunisien. Le comité des droits et des libertés au sein de l’ANC et les présidents de bloc ont, en date du 28 mars 2014, appelé la diplomatie tunisienne à agir au profit d’un procès équitable.
Présent sur le plateau d’Ettounsiya le 12 avril 2014, Mongi Hamdi, ministre des Affaires étrangères, a précisé que des représentants de l’ambassade tunisienne ont assisté à tous les procès, afin de soutenir le journaliste tunisien.
Mahmoud Bouneb a fait ses preuves en Suisse, aux Pays Bas, au Canada et même au Qatar, avant que sa réussite professionnelle ne prenne une tournure cauchemardesque. Journaliste soutenu par toute la profession, représentée par son syndicat et par ses différents organes de presse, il demeure en attente d’un déblocage qui tarde à s’enclencher. Malgré les différentes démarches et en dépit de toutes les campagnes de soutien, le calvaire de Bouneb n’a toujours pas pris fin. Le procès du 4 juin en sera peut-être une date marquante ; du moins, on l’espère.
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