Amina Sbouï a été tondue en place publique, lisait-on dans la presse française hier 7 juillet. L’ex Femen, devenue célèbre pour s’être montrée seins nus sur les réseaux, a pu mobiliser, à partir d’un statut publié sur son profil Facebook, l’opinion publique internationale. Sans aller vers des comparaisons qui pourraient être taxées de démagogiques par les adeptes du militantisme 2.0 et de l’héroïsme virtuel, sans rappeler la mort la semaine même d’un jeune palestinien, brûlé vif, les faits avancés par Amina sont d’une gravité extrême, d’une gravité extrême s’ils s’avèrent vrais.
A 5 heures du matin, Amina aurait été sortie de force du métro. A la place de Clichy, elle a été violentée par un groupe de jeunes auxquels elle a promis de redevenir une vraie musulmane. Elle a été agressée, a failli être violée et ses sourcils ont été tondus. A en croire le scénario d’Amina, c’est un Paris tout autre qu’on s’imagine. Un Paris où le métro fonctionnerait jusqu’à 5 heures du matin. Un Paris où l’on peut agresser, tenter de violer, raser une jeune fille sans une égratignure, en toute tranquillité à une place de Clichy comme vidée pour le tournage de la pire des séries B. Après l’horreur qu’elle aurait vécue, Amina serait repartie chez elle. Jusqu’au lendemain, elle n’a pas porté plainte.
Martin Pradel, avocat d’Amina, a affirmé à Business News que celle-ci rentrait à cinq heures du matin de l’hôpital Bichat où elle a été pour une foulure à la cheville. Amina n’a cependant pas consulté parce que les urgences étaient débordées. 5 heures, ce serait l’horaire mentionné sur son bulletin de sortie de l’hôpital et non l’heure à laquelle elle retournait chez elle en métro ; d’où la confusion dont parle son avocat.
Amina dit peut-être vrai. Auquel cas ce qu’elle relate est très grave. Grave, car cela implique qu’en France, ce type d’agressions opérées par des « salafistes » est possible et échappe à toute punition. Cela est grave car décrivant un climat d’insécurité alarmant, en plein Paris. Amina dresse de la France un portrait s’approchant davantage de l’Afghanistan que de la ville des Lumières, une France en proie à l’obscurantisme et à ses maîtres de main. C’est pourtant cette même France qui a accueilli Amina après sa sortie de prison. Cette France où elle a été conviée sur les plateaux pour parler de cette Tunisie devenue trop rigide pour elle. Cette France où elle a pu écrire un livre pour relater son parcours militant d’un genre nouveau.
Amina dit peut-être faux. Elle nuit ainsi à l’image de ce pays où elle a trouvé refuge. Elle implique dans son mensonge un réseau de personnes qui l’ont crue et soutenue, un réseau composé d’avocats, de journalistes, d’activistes en tous genres, en Tunisie et outre Méditerranée. Si Amina dit faux, le fait-elle par désœuvrement, parce que l’intérêt autour de sa personne se fait désormais rare et que, de personnage sulfureux mais public, elle était en train de sombrer dans l’anonymat ? Le fait-elle pour trainer la Tunisie de nouveau dans des problématiques d’ordre idéologique qui tombent souvent mal, alors que le pays s’apprête à affronter ce qui pourrait être synthétisé en un duel politique entre démocrates et islamistes?
Tout débat idéologique est d’intérêt dans cette Tunisie qui bouillonne depuis trois ans et qui vit, telle une adolescente de 19 ans qui se cherche, une crise de valeurs, la malmenant d’un extrême à l’autre. Sauf que le débat est initié non pas pour des sujets de fond, mais pour des faits divers, au centre desquels sont ceux qui deviennent prosaïquement des icônes. Amina serait donc en marche de redevenir symbole non pas par l’Action, certes contestable, mais à travers la victimisation. Stigmatisant la femme dans une position de faiblesse, accentuant la crise entre les extrêmes « laïques et religieux », ce fait divers est susceptible de relancer le débat « conjoncturel » entre modernité et islamisme, dans cette Tunisie qui continue, tant bien que mal, son parcours mouvementé sur le chemin de la différence.
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