Point de départ à cette chronique une vidéo qui n’a pas uniquement fait le buzz sur les réseaux sociaux mais qui a provoqué un véritable tollé au niveau officiel, du côté du Sénégal. On y voit le second de l’ambassadeur sénégalais en train d’être malmené par des policiers à l’aéroport Tunis Carthage. On y entend le diplomate étranger tenter de faire savoir qui il est. Peu importe la nature de son poste, pareil comportement « n’est pas digne d’un être humain, à plus forte raison d’un diplomate », comme l’a déclaré l’ambassadeur du Sénégal en Tunisie, Khady Tall Diagne à l’agence de presse de son pays.
Point de chute après ce rappel des faits, une question fatidique : « Quelle image dégageons-nous ? ». Il est des fois important de se poser cette question à l’échelle individuelle. A l’échelle collective voire nationale, une réponse pourrait nous permettre de nous situer parmi les peuples en dynamique constante, ceux qui émergent, ceux qui stagnent ou ceux qui vivent une régression affligeante.
Ne faisons pas dans l’hypocrisie ! Nous sommes un pays reconnu en matière de racisme. Des faits nombreux, dans ce sens, l’attestent. Qu’ils aient été notifiés ou vécus sur un plan individuel et perçus, de ce fait, sur un mode anecdotique n’y change rien. En Tunisie, le racisme est une affaire culturelle placée sous différentes étiquettes. « Je ne suis pas raciste, mais… ». Que de fois nous avons entendu cette phrase suivie des justifications les plus alambiquées. Refoulant donc nos tares, reniant notre appartenance et la réduisant au champ exclusivement géographique nous essayons d’avance, de nous en sortir et de nous trouver des alliés.
Acte isolé répliqueront les adeptes des offensives à toute critique dérangeante. Cet écart vient, toutefois, confirmer une série qui s’allonge et qui en se prolongeant, une fois de plus, vient confirmer, à son tour, notre position africaine inconfortable. Ce continent que nous pensions surplomber, à différents égards, nous sommes à sa trainée, dépassés par le Maroc et autres pays ayant, économiquement, fait leurs preuves. Nous ne gardons que notre arrogance comme garde-fou d’apparence pour réconforter le prestige de celui qui a peur de perdre son prestige. Concrètement, nous sommes un pays dont l’économie est menacée, dont la stabilité est menacée, dont l’Etat est menacé. Un constat peu glorieux qu’accentueront nos bavures diplomatiquement intolérables et notre isolement par rapport à des pays pouvant être de vrais amis.
La position officielle ne peut rien changer dans l’appréciation générale qu’a un peuple d’un autre. Les signatures de conventions non plus. Encore moins les accolades fausses des politiciens. Tout cet effort d’amitié feinte à bon escient peut être entaché par un déplorable écart de comportement. Selon la version donnée des faits, les policiers filmés en flagrant délit d’excessivité et au lieu de protéger le client d’un taximan véreux, ont cautionné, d’une manière musclée, le comportement de celui qui demandait plus que son compteur n’affichait.
Des justifications officielles tenteront de faire dépasser cet incident et il le sera. Nous sommes pourtant nombreux à savoir que pour nos commerçants et taximen, « rouler » un étranger n’est pas assimilé à du vol, que le racisme sévit au fond de plusieurs de nos compatriotes, que nos policiers n’ont toujours pas appris à maîtriser leur comportement sanguin et à n’être que professionnels quand, au fond, ils sont violents, agressifs ou aigris. Peut-être devons-nous réapprendre à être professionnels, à nous imposer une rigueur dans le comportement et à être conscients que chacun est responsable de l’image collective du pays, en ces temps où notre image est à reconstruire. Si chacun le faisait, la Tunisie avancerait beaucoup.
La vidéo du diplomate étranger tabassé, violenté et trainé par des agents de l’ordre parmi la foule n’est pas qu’anecdotique, elle reflète nos vices profonds. En attendant et malgré les efforts officiels et ceux individuels de certains leaders d’opinion, l’image que l’on pourrait percevoir de nous est en inadéquation avec ce que nous pensons être, avec ce que nous voulons être et avec ce que nous pourrions devenir. A défaut d’avoir un « meneur » exemplaire à suivre, une loi à craindre et une image de laquelle on se soucie et qu’en se canalisant on tenterait de préserver, nous sommes nombreux sur les réseaux à manifester notre soutien à ces invités que nous malmenons, de différentes manières, sur nos terres.
Mes excuses, du pays de Bourguiba, au pays de Senghor. L’amitié francophone et africaine et notre image nationale à l’international ont été mises à rude épreuve. Sachez, tout de même, qu’en Tunisie, nous ne sommes pas tous des malhonnêtes, nous ne sommes pas tous racistes, nous ne sommes pas tous violents, mais nous sommes nombreux à essayer de faire avancer ce pays. Et il avancera !
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