Je le veux beau, portant élégamment la cravate, pouvant charmer sans l’être, à son tour, à tout-va. Je veux qu’il me dise que tout va mal, quand ça va mal et qu’il fasse en sorte que ça aille mieux, quand cela s’impose. Je veux qu’il soit imposant, pas dur au point d’être cassant, mais pas trop mou afin de se faire respecter. Je veux qu’il soit respectable et pour cela il faut qu’il soit honnête, non pas d’une honnêteté démagogique mais d’une honnêteté futée. Ayant assez de lucidité pour comprendre que les chaussures et les chaussettes vont de pair et pour savoir que quand on n’a rien à dire, le mieux est de se taire.

Je veux qu’il soit intelligent, d’une intelligence « canalisée » visant à cibler le meilleur et non d’une intelligence perfide cherchant le meilleur pour soi et oubliant que servir les autres est le mieux qu’il puisse faire. Je veux qu’il pense aux autres comme on penserait à soi. Qu’il se projette en eux, en s’oubliant, mais en n’oubliant pas non plus de prendre soin de lui. Je le veux en pleine forme, pas malade, pour ne pas être fatigué dès la première semaine, pas fatigué pour tenir vivant pendant cinq ans au moins. Son âge ? Qu’importe ! Il faut qu’il ait l’âge de comprendre que tout se mérite, y compris la réussite. Il faut qu’il soit déterminé et pouvant gérer les situations les plus déterminantes, capable de tenir tête aux plus têtus et de se racheter aux yeux des plus déçus. Je le veux avec le regard qui brille et la verve qui éblouit, capable de convaincre les réticents et de gagner davantage la sympathie de ceux qui l’avaient trouvé juste satisfaisant.

Je le veux gentil au regard tranchant, touchant, oui mais, à la fois, puissant. Puissant, mais pas froid. Chaleureux, mais sans être trop accommodant. Qu’il ne soit pas trop « normal », comme ça se fait ailleurs, mais qu’il ne soit pas non plus anormal, comme ça se fait chez nous. Je le veux de chez nous, pas les «chez nous » venant d’ailleurs, qui sont d’ailleurs tout aussi chez eux ici que nous. Mais d’ici ! Connaissant la fin de mes blagues, saisissant le sens de mon second degré, maîtrisant au plus haut degré mon langage, comprenant même mes mimiques. Je veux qu’il sache s’arrêter quand il voit disparaître la flamme dans les yeux. Qu’il disparaisse avant qu’on ne l’oblige à dire Adieu. Ah oui ! Je veux qu’il pense à Dieu, en pensant à nous ! Pas le dieu de ces fanatiques impuissants devant la modernité, mais ce Dieu tout puissant, différent pour chacun mais disant qu’en chacune de nos actions, il y a une part de divin. Je le veux sobre avec la tête sur les épaules… les épaules larges, aussi larges que son esprit, aussi solides que ses nerfs.

Je ne le veux ni nerveux, ni colérique, ni hystérique, ni schizophrène, ni versatile, ni dépressif, ni excessif… En rien ! Surtout pas en dépenses ! Je le veux économe, mais pas avare, faisant preuve de largesses, mais dans la limite des budgets serrés ; qu’il sache serrer la ceinture ! Ceinture rouge ou noire de préférence, maniant les armes, sans être un vagabond, sécurisant sans être étouffant. Je ne le veux pas borné, jaloux comme un amant sans confiance, pieux d’une piété voulant dompter l’Autre. Je veux qu’il sache accepter l’altérité, en ayant assez de personnalité pour savoir, apprécier et faire apprécier qui il est et d’où il vient. Je veux savoir d’où il vient, connaître son CV, son passé, ses secrets. Je veux un historique blanc comme neige, mais je ne veux pas d’un bleu. Qu’il ait de l’expérience ! Oui c’est mieux pour l’avenir qu’il ait un passé glorieux.
Près de 70 prétendants et juste un siège à pourvoir ! Alors, oui, je suis exigeante ! Exigeante, parce que je sais la valeur de ce bulletin que tu mettras dans l’urne. Oui je suis exigeante à l’image de ce que je suis : La Tunisie!

Article repris par Courrier international http://www.courrierinternational.com/article/2014/10/02/je-veux-un-president-qui-pense-aux-autres

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