Ce matin, une députée d’Ennahdha a appelé l’Assemblée tunisienne à rendre un hommage posthume à la militante algérienne Djamila Bouhired. Ce qu’elle avait pensé être un acte louable, ainsi que ceux qui ont répondu positivement à sa demande, est, en fait, une méprise très méprisable. La grande algérienne est encore en vie, annoncera, en réponse à cette bavure, l’ambassade d’Algérie en Tunisie.
« Vous avez tué la dame, Yamina Zoghlami, vous l’avez tuée et nous avons récité la Fatiha ! », a hurlé un Abdel Fattah Mourou furieux. Le vice président de l’ARP et dirigeant islamiste a sermonné l’élue et s’est interrogé sur l’usage à faire de la Fatiha récitée pour rien. Délicat comme réaction. Il faut dire que la situation n’est pas habituelle. Donner pour mort un vivant et mettre à nu sa propre légèreté en direct à la télé, ce n’est pas une situation facile à gérer.
Nos excuses, Madame Bouhired, l’ignorance de l’Assemblée des Représentants du peuple ne nous représente pas. Nos élus ne ratent pas une occasion pour faire dans le populisme. Ils se nourrissent de ragots et nous gavent de discours creux. A la surface des choses, voire à côté de la plaque, ils se sont fait remarquer par les médias internationaux et leur bêtise est loin d’être passée inaperçue.
Désolée, Madame Bouhired, ici on ne sait honorer que les morts. Les vivants sont dans l’oubli. Leur militantisme ne vaut qu’une fois faisant partie du passé. Leur vie n’intéresse qu’après leur décès. Un mort ça s’honore. Ca se loue. Ca se vend au profit de causes diverses, au plus offrant, au plus populiste, au moins honnête. Un mort, ça s’exploite. Comme un fonds de commerce qu’on utilise plus ou moins longuement, occasionnellement, au gré des besoins et des opportunités.
Désolée Madame Bouhired, de vous, ils ne connaissent, probablement, que le nom. La force, le courage, l’héroïsme, ils n’en savent pas grand chose. Trop occupés à polir leur islamisme politique, à en adoucir les angles et à vouloir se faire remarquer, dès que les caméras sont braquées sur eux. Trop occupés à s’entretuer pour nous représenter et pour nous diriger. Ils cherchent à s’approprier des icônes, eux qui n’en ont plus. De vous ne les a intéressés que l’information, heureusement, fausse de la mort.
Désolée Madame Bouhired, ici nous combattons quotidiennement la médiocrité. Nous en faisons des blagues et nous en rions à en mourir, de lassitude, de honte, de haine. Vous qui aviez combattu l’imposture, vous comprenez notre combat. Il n’est pire dictature que celle de l’incompétence. Il n’est pire arrogance que celle de la bêtise. Le colon, à côté de nos cons locaux, c’est du pareil au même. Ou presque. Faire les zouaves, les voilà payés pour ça. Aujourd’hui, les rires ont dépassé nos frontières.
Longue vie à vous, Madame Bouhired. Et mort à la médiocrité !