L’on s’est réveillés, ce vendredi 24 juin, sur une nouvelle qui n’en finira pas de bouleverser le monde. Brexit, les eurosceptiques ont eu gain de cause. Les Britanniques ont dit leur mot et leur mot était des moins prévisibles, les sondages d’opinion ayant été très loin d’anticiper pareille tendance.
Frilosité internationale. Mais, en Tunisie, on se frotte les mains en pensant dinar.
C’est que notre monnaie en baisse vertigineuse depuis un certain temps y gagnerait. Elle y gagnerait non pas en s’appréciant davantage mais en se dépréciant moins. Les bourses ont, en effet, enregistré des baisses notables et l’Euro ne cesse de dégringoler.
Il y a incontestablement à gagner dans ce divorce européen. Nous pouvons ramasser quelques débris des pots cassés. Mais voulons-nous vraiment de cela ? La baisse qu’enregistra l’euro, le dollar ne la connaitra pas. Les gains ne sont donc pas si grands que ça pour s’extasier, convier les experts sur les plateaux et évoquer joyeusement l’impact positif du Brexit sur la Tunisie.
Car l’impact sur la Tunisie sera indirect, dans un premier temps. Mais, outre l’aspect monétaire, les accords conclus avec la Grande Bretagne seront probablement revus. Le pays du « leave » va devoir, en effet, revoir tous ses accords conclus sous l’égide de l’UE (selon l’accord d’association). Il devra renégocier ses traités commerciaux dont ceux conclus avec la Tunisie et d’autres pays africains. Il peut donc y avoir du changement, même si la Grande Bretagne n’est pas un partenaire de taille pour la Tunisie.
La crise qu’engendrera le Brexit aura un effet boomerang qui commence à se faire sentir, à quelques heures de l’annonce des résultats du vote. D’un point de vue géostratégique, le monde ne sera plus le même.
Le Royaume-Uni est en marche de connaître une mutation de taille, si le Brexit finit par le faire désintégrer. Du côté de l’Ecosse et de l’Irlande, on réclame, en effet, l’indépendance et le schisme risque de ne pas être qu’au niveau des choix. Du côté d’autres pays où les eurosceptiques sont amenés à dire leur mot également, le risque de désunion européenne est imminent et l’effet domino fortement envisagé.
L’Europe est en train de vivre un deuxième Sykes_Picot, sur ses terres cette fois-ci ; non pas selon la carte des intérêts mais selon celle du désintérêt pour un projet ne correspondant plus à une tendance sociologique générale. Ce repli sur soi se comprend au vu de la montée du nationalisme dans plusieurs pays d’Europe. Y ont été explorées les limites de la prospérité économique espérée et les affres des politiques d’austérité.
Dans pareil contexte, l’Allemagne sera en position de force politique et économique (la Bourse de Frankfurt pressentie pour suppléer celle de Londres qui risque de perdre toute attractivité). Quant au Royaume-Uni, il faudra qu’il se cherche un allié pour les jours difficiles qui l’attendent. Le camp américain, selon plusieurs observateurs, en sera le premier.
C’est ce que le peuple a décidé, c’est ce que la démocratie a voulu. Le monde ne fera qu’observer et subir.
En Tunisie, a-t-on envisagé pareil retournement de situation ? On le devrait, si ce n’est pas déjà fait. Nous devons appréhender de nouveau et au bon moment l’ami britannique. Le démarcher, négocier avec lui, en tant qu’entité nouvelle et non partie intégrante d’un tout, une entité qui risque de perdre son rôle de leader économique et celui de puissance parmi les puissances de la scène politique internationale.
Le contexte de récession générale impactera inévitablement des pays loin du contexte européen. Les soubresauts politiques et sociaux susceptibles d’en découler mettront à mal la stabilité d’un monde déjà déboussolé.
Il nous faudra deux ans pour observer ces mutations, le temps que la décision soit englobée et ses retombées entièrement cernées. Du côté tunisien, a-t-on réfléchi à l’impact de cette crise interne au sein de l’UE, s’est-on préparé pour négocier autrement nos accords, a-t-on pensé au contexte de crise générale et à la manière dont nous pouvions nous en mettre à l’abri ?
Une étude aurait été menée au niveau du ministère tunisien des Affaires étrangères, une étude globale, comme le ministère en fait souvent en pareilles circonstances et qui, on l’espère, ne finira pas au fond d’un tiroir rempli de documents similaires. Mais la communication entre les différents départements n’a jamais été notre fort.
Du côté des politiciens, la question ne se pose même pas. Nos hommes politiques ont du mal à envisager une stratégie à court terme pour gérer leurs problèmes internes. Ceux qui sont au pouvoir sont du mauvais côté de la force, pour la majorité. Celle qui tire vers le bas ou loin de l’essentiel.
Nous sommes dans un monde qui ne se vit plus sans stratégie. Pourvu que les décideurs le comprennent ! « Gouverner, c’est prévoir », écrivait le journaliste et politicien Emile de Girardin, message que n’auront compris, vraisemblablement, que ceux qui prévoient de nous gouverner.
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