La rentrée politique en Tunisie est placée sous le signe de la menace et de la rébellion. Depuis dimanche, ce qui se disait à demi-mots par les plus proches du ministère de l’Intérieur se confirme. Aujourd’hui, c’est le ministère de la Défense qui l’annonce : les terroristes pourraient frapper dans les prochains jours. Voiture piégée, ceinture d’explosifs, tout est possible, et partout. Des patrouilles sont déployées aux entrées des grandes villes, plusieurs bâtiments jugés sensibles sont protégés de très près et l’appareil sécuritaire est sur le qui-vive. Le pays est en état d’alerte, au vrai sens du mot ! Pourtant les opposants sont décidés à braver l’état d’urgence et ses impératifs pour opposer leur non catégorique au projet de loi de réconciliation. Inconscience des opposants ou abus des autorités ? De quoi rendre le peuple chèvre !
D’un côté, la menace qui gronde et de l’autre ceux qui n’en ont que faire. Hamma Hammami, figure nationale du NON, s’est exprimé, hier, sur les ondes de Mosaïque Fm pour dire que l’Etat exagère, s’agissant des menaces pouvant viser la Tunisie. La réplique ne peut être anodine, venant d’un homme politique qui, fort de son poids certain sur la scène nationale, aurait pu être élu président de la République. Le leader de Gauche a mis en doute, publiquement, les propos des officiels tunisiens et a contesté, de ce fait, les décisions qui en ont découlé. Une seule raison à cela : exercer son droit (et celui de ses troupes) de manifester leur refus à une loi pouvant mettre fin à la rupture avec les adeptes du régime Ben Ali.
Les arguments économiques importent peu aux yeux de ceux qui ne veulent rien entendre quant à la réinsertion sociale des Benalistes et la réintégration de leur argent dans le circuit économique. Cette loi, ils n’en veulent pas et, pour le dire, ils n’hésiteront pas à défier l’Etat lui-même. Mongi Rahoui, comme bon nombre de dirigeants de gauche, l’a annoncé. Ils iront manifester, ce samedi, malgré l’interdiction qu’a opposée le ministère de l’Intérieur à cette marche annoncée. Opposants politiques de tous bords comptent sortir, cette fin de semaine, affronter la police et braver l’interdit. Révolutionnistes, révolutionnaires, leaders politiques, bases partisanes et bases miliciennes marcheront au même lieu, à quelques minutes d’intervalles. A chacun sa marche, sa cadence et ses slogans. Mais tous auront un ennemi commun.
L’Etat, son appareil, et ses hommes serrent les boulons d’une Tunisie qui s’est trop relâchée pendant les années de transition. L’opposition est, quant à elle, les nerfs à vif sur un sujet tout autre. Elle voudrait surtout veiller au non-retour de la dictature et toute tentative de brimer la foule fait remonter, en elle, le traumatisme des monstres du passé. Quant au peuple, il les regarde béat. Les uns désespérés de la chose politique, les autres espérant le retour de Ben Ali lui-même. Qu’ils se réconcilient ou qu’ils s’entretuent, nous n’en avons que faire, semble penser la majorité de moins en moins bavarde car de plus en plus concentrée sur ses propres soucis.
Ils sont nombreux cette rentrée les Tunisiens qui ont plié bagages. Des universitaires, des jeunes médecins et des cadres ont préféré partir s’installer ailleurs avec les leurs. Ceux qui les envient et voudraient faire comme eux sont très nombreux. La Tunisie terre d’accueil serait de moins en moins accueillante. L’ambiance y est suffocante malgré l’air agréable du pays. Les gens tendus et l’impolitesse s’y installe là où la courtoisie est à inculquer. La fainéantise y a fait des ravages en nombre et l’incivisme y est un fléau déclaré.
« Ne venez pas chez nous. Ne croyez pas en la fausse promesse qu’on vous fait», a écrit cette semaine l’universitaire Olfa Youssef. L’appel lancé au peu de personnes pouvant être tentées par une visite à notre pays choque, de prime abord. En vrai, il choque ceux dont le patriotisme est un slogan qu’on agite comme un réflexe agit d’une manière irréfléchi. Quant à ceux plus à même de constater la décadence générale, l’inconscience politicienne et l’impuissance des décideurs, ils savent que les mots de Olfa Youssef sont cette réalité lancinante que nous vivons régulièrement.
En cette période où des petits écoliers se préparent en ayant la crainte que leur rentrée soit aussi ratée que leur fin d’année. En cette période où le corps enseignants menace et où les filiales de l’UGTT commencent à rugir. En cette période où l’économie donne ses derniers signes de vie, où le tourisme est déjà achevé et le terrorisme de plus en plus proche. Dans cette ambiance « de folie », la rentrée sera un véritable bras de fer, tout manichéisme à part, entre syndicats et autorité en place, entre partis d’opposition et force au pouvoir, entre passé et futur à construire, entre menace et sécurité à préserver. Un bras de fer qui suscite de moins en moins d’attention générale. Qu’on se batte ou qu’on se réconcilie, beaucoup d’yeux regardent loin. Ceux qui étaient hier prêts à se damner pour leur pays, donneraient tout pour le quitter. La migration demeurera le rêve des temps modernes.
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