A quelques heures des élections municipales, nombreux sont les Tunisiens qui se disent déterminés à ne pas aller voter ou qui hésitent encore entre le choix, le non-choix et l’indifférence. Cette fébrilité d’avant-vote prend racine dans un contexte de désenchantement ressenti par bon nombre d’entre nous face à la progression des choses, une progression plutôt stagnante entraînée par une classe politique qui a généré autant de déceptions que les promesses qu’elle avait faites. Les promesses électorales n’engageant que ceux qui y ont cru, nombreux sont ceux ne voulant donc pas s’y laisser prendre deux fois.
Pourtant les enjeux sont différents et chaque vote compte. Voilà pourquoi il faut aller voter dimanche 6 mai:
– Parce que Ennahdha s’est mis en mode haut débit: Rached Ghannouchi l’a annoncé dans un rassemblement populaire dans lequel il a exhorté les présents à voter pour son parti: Du wifi pour tous en Tunisie!… Ah non, pas pour tous! Juste pour les régions où Ennahdha sera gagnante. Ghannouchi annonce, sans gêne, pouvoir réaliser cette promesse grâce au « ministre nahdhaoui » (l’expression est bien de lui) des TIC. Etant au gouvernement, Maarouf n’est-il pas au service de tout le pays? Non, sur ce dossier il serait visiblement juste au service d’Ennahdha. La promesse de Rached Ghannouchi en dit long sur la guerre de communication dans laquelle le parti de ce dernier bat à plates coutures ses alliés et concurrents. Pour se démarquer des crédules et pour faire le contrepoids par rapport aux conquis d’avance, si l’on a des penchants autres que pour le populisme- fut-il des plus rusés- , c’est le moment de l’exprimer, bulletin à l’appui!
– Parce que la guerre digitale se remet en marche: La manipulation des masses se fait désormais sur les réseaux sociaux et ne se réduit pas au simple travail de terrain. C’est dans la sphère du virtuel que l’on oriente, influe et se permet les propagandes les plus nauséabondes. En cette avant-élections, les pages achetées se réactivent, les vendus de la veille se remettent en fonction. Un air d’appel au vote utile avec une impression de déjà vu. Tout est bon, sur la voie des élections, pour achalander les passants et aguicher les mémoires courtes. Le choix de la sanction par rapport à ceux qui ont déçu se dit, pour être effectif. Autrement, il correspond à une place cédée à ceux que l’on voulait priver de sa voix.
– Parce qu’il y a des personnes honnêtes à encourager: Plusieurs listes indépendantes sont la preuve de l’engagement de nombreux Tunisiens qui ont envie de faire partie intégrante du changement dans leurs quartiers et dans leurs régions, pour la Tunisie. Ceux-là ont choisi d’affronter les puissantes machines des partis et se sont aventurés à les concurrencer et à conquérir les électeurs, avec nettement moins de moyens. Nous avons tous- ou presque-, un nom qui nous est bien connu , sur une de ces listes. Parce qu’il y a de bonnes volontés dans plusieurs de ces initiatives, ne pas manquer le 6 mai est un retour d’égard: c’est une manière de répondre à ces promesses de disponibilité pour la collectivité par une disponibilité de durée très courte, moins contraignante, mais ô combien symbolique.
– Parce que dans certaines municipalités importantes le vote est déterminant: La mobilisation est requise. Il n’en découle pas que des choix spécifiques aux zones concernées, mais des enjeux politiques importants. La municipalité de Tunis, à titre d’exemple, serait une bonne clé de démarcation pour Ennahdha qui a choisi d’y faire représenter une femme, Souad Abderrahim. L’on commence à lire des titres vantant les mérites de pareil choix. Certains pensent, en revanche, que, si celui-ci aboutit, ce serait un fait marquant mais ce serait surtout un palier capital de franchi, pour ceux qui ont choisi la politique des étapes. Parce que l’on doit être conscient des conséquences politiques, il ne faut pas sous-estimer la capacité de changement de trajectoire dont est pourvu chaque bulletin glissé dans l’urne.
– Parce que la citoyenneté est un devoir et que le silence est un manquement au devoir: Pour que la Tunisie puisse en arriver là, démocratiquement, il y en a qui ont payé de leur vie notre accès à nos droits. Le vote est un de ces droits acquis dans la douleur, il est, de ce fait, un devoir immanquable. La démocratie, en Tunisie, est sur sa lancée, mais a besoin de notre implication à tous, du moins lors des grandes échéances. La démocratie se mérite et notre vote-action est une manière de l’entretenir.
Qui n’a pas vu les paysages de désolation qui jonchent nos rues et ruelles? Qui ne s’est pas aperçu de la décrépitude dans laquelle sombrent nos quartiers? Qui n’a pas envie de croire en un changement vers le meilleur? Si l’on devait y croire un seul jour, ce serait celui-ci: le 6 mai! Nos voix sont déterminantes, les taire est une lâcheté. Choisissons la citoyenneté active!