Il y a quelques jours, Mezri Haddad, écrivain et ancien ambassadeur de Tunisie auprès de l’Unesco, est passé sur une de nos chaînes à forte audience, après des années d’interdiction indirecte ou d’abstention volontaire d’antenne. Celui-ci avait désigné les Tunisiens sortis crier leur colère contre Ben Ali de hordes déchaînées. Trois ans après, Haddad refuse de s’excuser aux Tunisiens, leur demande, lui, des excuses et finit par lâcher une deuxième insulte, une troisième après celle spécifiant qu’il n’y a plus d’hommes dans le pays. Après avoir mis en doute la virilité de notre gent masculine, celle politicienne spécialement, Mezri Haddad a assimilé le peuple à du bétail, des ânes plus particulièrement, des ânes qui braient pour être plus précis.
Brayons-nous ? Oui, quotidiennement à cause de ces politiques qui nous font des coups en vache régulièrement. Sommes-nous des ânes ? Les prochaines élections nous le diront. Du bétail, le sommes-nous un peu ou un peu trop? Beaucoup le sont au vu de la précampagne qui se prépare et qui mobilise un peu de convaincus et beaucoup d’autres qui le sont nettement moins. A ceux-là on stimulera le réflexe pavlovien et ils donneront, en réponse à la promesse de récompense du premier venu, une série d’applaudissements, un yoyo strident, voire une croix cochée dans une liste.
Ce peuple en phase de domptage difficile se débat contre la mise en cage qu’on lui propose et cette manière de lui faire miroiter le danger qui le guette par derrière pour le faire avancer là où on voudrait qu’il aille. Quant aux médias, il en est qui se positionnent en ce moment en proies qu’on chercherait à abattre ou en renards ayant trouvé la brèche, en suiveurs, en têtes de troupeau ou encore en bêtes de foire. Lorsque Bernard Kouchner, la même semaine écoulée était dérangé par les questions du journaliste qu’il avait en face de lui, il lâcha, sur le même ton dédaigneux et arrogant de notre Mezri Haddad national, un qualificatif d’une autre époque. Ces « hyènes dactylographes », lancé par le politicien français à l’égard des journalistes, avait servi aux soviétiques pour qualifier Jean-Paul Sartre dont les idées dérangeaient.
Quoique très éloignés de la théorie ayant fait de Sartre « un chacal à stylo », nous ne sommes pas si loin de ce type de dénigrement cherchant à exclure, de quelque manière que ce soit, les moins dociles. Au sein du secteur de l’expression relativement libre, ont été écartés les chroniqueurs les plus virulents, croulent sous les procès ceux qu’on aura perçus comme les plus insolents, intimidés sont ceux qui peuvent l’être et mis dans la ligne de mire, ceux que l’on voudrait voir se taire, d’eux-mêmes de préférence ! Nous vivons en cette période surréaliste, d’élite sangsue, puisant dans le sang de ceux qu’on a dû abattre sa possibilité de mutation. Nous vivons en cette période surréaliste, d’une nouvelle race de bêtes de la politique, les « politichiens » !
Ces meutes n’ont souvent en tête que l’attaque, celle visant à mettre à bas leurs proies. Chiens enragés du système qui change au gré d’on ne sait quoi, ça aboie sur les plateaux, ça saute sur tout ce bouge, ça mord, ça griffe, mais ça remue la queue dès que le maître approche et ça se trémousse sur les pieds de celui qui tend la gamelle.
Et entretemps ça bêle de partout. Ca se suit vers une date fatidique, comme un troupeau ; la tête en bas, suivant son berger à la tête souvent dans les étoiles. Parmi ce peuple devenu chèvre par tant de cravaches acharnées, il y a ces moutons de Panurge qui se jetteraient à la mer, si leur guide le leur disait. Il y a ceux qui suivent leur joueur de flûte se targuant d’être l’exterminateur des rats. Et il y a les rats. Nous reste juste le choix, comme dirait un sage qui se reconnaîtra, entre la peste et le choléra. Et ça rôde guettant le moindre de nos faux-pas, à bord de cet arche de Noé qui risque de prendre l’eau. N’est-il pas temps de cesser d’être les cobayes d’un laboratoire démocratique expérimental, d’arrêter les singeries et de prendre enfin gare au gorille ?
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