Ils sont nombreux à faire leur retour, en ce moment, sur la scène publique. Des revenants d’outre-mer et d’autres presque d’outre-tombe envoyant leurs messages de détresse à un peuple qui ne se retrouve toujours pas, trois ans après. Rentrée oblige, voire élection oblige les vétérans du système Ben Ali font leur coming back, loin des slogans qui les avaient diabolisés, au lendemain de la révolution, loin de la hargne populaire, loin de l’acharnement politique devenu fonds de commerce pour des partis politiques ayant placé ailleurs, désormais, leurs centres d’intérêt.
Kamel Morjane, Mondher Zenaïdi, Abderrahim Zouari, … autant de noms qui s’étaient faits discrets un certain temps et qui réinvestissent, en ce moment, les devants de la scène. Refoulés par le peuple, il y a de cela peu, dénigrés, lors des manifestations, diabolisés par des partis et autres groupuscules « révolutionnistes », nous parvenaient d’eux très peu d’information. C’est que leur nouvelle vie, en deçà du piédestal ne nous intéressait pas beaucoup, nous qui étions dans les tréfonds de la morosité politique et économique.
Kamel Morjane, resté en Tunisie après la révolution et ayant retrouvé une activité politique, promptement, loin de tout encombre judiciaire avait pourtant fait profil bas lorsque les circonstances l’exigeaient. Il est pourtant un de ceux qu’on entend le plus, en ce moment. L’ancien ministre de la Défense de Ben Ali, a attaqué, pas plus tard qu’hier, Kamel Jendoubi, ancien dirigeant de l’ISIE, a accusé l’ancienne instance ayant eu en charge les élections de fraude et, par déviation, a taxé Maya Jeribi d’usurpation. Le ministère public a décidé, d’ailleurs, l’ouverture d’une enquête concernant les déclarations de l’ancien ministre de la Défense.
Kamel Jendoubi, lui, n’est pas un cacique de Ben Ali, mais un de ses opposants. Il est un militant de longue date qui a gagné ses galons, après la tenue des élections de 2011. Il s’est imposé en tant que figure importante de la période transitoire, tant son effort a été salué de tous. Ce Kamel s’est manifesté, pas plus loin qu’hier, pour dire qu’il en soutient un autre à la présidentielle, à savoir Mustapha Kamel Nabli. Cela lui a valu un tacle du candidat Morjane qui a mis en doute son intégrité et la fiabilité de son œuvre un certain 23 octobre 2011. L’ancien président de l’ISIE a qualifié, aujourd’hui, de graves et d’irresponsables de telles accusations qui, quoiqu’arrivant avec trois ans de retard, révèlent l’étendue de la nébuleuse guettant la transition démocratique en pipant les dés. La guerre des poulains semble bien entamée !
Kamel Letaïef, figure politique ou simple épouvantail qu’on évoque pour faire peur, au commun des Tunisiens, du régime déchu qui risque, à travers lui, de ressusciter ? L’homme d’affaires le plus sollicité de Tunis, celui maîtrisant le moindre rouage du système de ce pays, dit-on, n’a rien eu à se reprocher avec la justice ou alors trop peu. Aucune charge n’a pu l’éloigner de la vie publique. C’est que dans cette vie politique où il est acteur par biais, il exercerait son plus grand hobby, à savoir le lobbying. Le mentor de Ben Ali serait devenu celui de Mustapha Kamel Nabli et se serait attiré, de ce fait, la foudre des détracteurs de cet ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunis et du système qu’il incarne.
En attendant qu’on finisse de s’entretuer à coup de déclarations à la presse, ailleurs, d’autres font leur rentrée autrement. Comme un Mondher Zenaïdi retrouvant la Tunisie qu’il a quittée, il y a de cela trois ans. Celui qui a été accueilli par des centaines de citoyens, a dû bien déchanter, en trois jours, en voyant ce que devient la Tunisie, trois ans après : un véritable champ d’après-guerre que les cabales pour le poste ont dévasté.
Et parce qu’entre anciens, on se soutient, Abderrahim Zouari, ministre de Ben Ali, dans une autre vie, et actuellement candidat du Mouvement Destourien à l’élection présidentielle soutiendra, sur Facebook, son vieux voisin de table de conseils ministériels, Mondher Zenaïdi. « Il s’agit d’une opportunité que le peuple tunisien nous accorde et nous devons être au rendez-vous, comme l’ont toujours fait les Destouriens, faisant placer l’intérêt de la patrie au-dessus de toute autre considération, car votre place naturelle est parmi nous », lui a-t-il écrit en guise de message d’accueil le jour de son grand retour en Tunisie.
Après la discrétion, voici venu le temps des clashs entre clans. Pro Nabli, anti Nabli, clan Letaïef, missionnaires de Ben Ali… les appartenances affichées et cachées divergent et le but est le même : le pouvoir ! Pendant qu’eux font débat, dans un camp moins dispersé, on travaille en silence et on finit l’ouvrage judicieusement commencé. La première pierre de leur édifice ayant été la loi anti-exclusion. « De la vie que je t’offre, je ferai ta perte et celle de ton camp », les entendrait-on presque dire. Progressistes, dîtes-vous ?! Oui, progressistes jusqu’à la dégénérescence.
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