Ce weekend, s’exhibaient des photos de Youssef Chahed en mode décontracté aux côtés de jeunes et d’enfants, les pieds dans la boue dans des quartiers tunisiens que les dernières pluies ont dévastés.
Ce weekend, un de ses ministres s’affichait sur des clichés massivement partagés sur les réseaux sociaux dans un événement n’ayant, pour le moins, rien à voir avec son portefeuille. Le ministre des TIC qui inaugure une école coranique. Il faut dire que cela relève de l’insolite.
Quel lien entre les deux faits? Rien, vraisemblablement. Et c’est cette absence de similarité qui déconcerte! Un chef de gouvernement à l’actualité égocentrée; un ministre en mode hors sujet.
Est-ce cela l’essence de l’Unité nationale pour laquelle un gouvernement a été changé? La question mérite d’être posée. Elle nous aiderait à cerner les visées de chacun et à débarrasser la patrie des figurants qui disent oeuvrer pour elle. Et chacun trace vers son but dans cette Tunisie en transition. Chacun travaille pour ses ambitions et pour les projets des siens, sa famille partisane et idéologique.
Nous sommes à l’ère des clans. Et le but est le positionnement. Le court terme importe peu.
L’admettre rend la cohabitation plus facile entre parties adverses foncièrement opposées. Et la cohabitation rend plus challengeant le parcours à faire côte à côte, vers des buts distincts. C’est une question de survie mais aussi de victoire. Les islamistes l’ont compris. Les « modernistes » pataugent encore.
Car ce weekend -bien dense, en toute évidence- Nidaa débattait, encore, dans le cadre d’une Assemblé générale du bloc parlementaire, de sa propre structuration.
Le parti qui se débat depuis un an et demi contre ses propres démons est devenu le maillon faible de la scène politique tunisienne à défaut d’être son parti fort. Une leçon, en somme, sur le poids des urnes que fausse la communication trompeuse et sur le poids réel que les guerres d’égos rapetissent au fur et à mesure des batailles personnelles et d’ambitions ne générant que scission.
Ce weekend, Rached Ghannouchi poursuivait sa tournée dans le sud tunisien. En grand leader, il a enchaîné visites, conférences, rencontres. Expliquer la transition, étayer les choix de son parti, impliquer sa base. Le parti islamiste rassure les siens et assure le suivi. Il fait du « B to B ». Le parti a compris que l’imminence des élections ne détermine pas l’action politique et que le capital d’un parti doit être entretenu et fidélisé. Autrement, il se disloque et l’effort de le solidariser de nouveau n’en est que plus accru et moins durable.
Deux rythmes de croisière pour un combat qui ne dit pas son nom et une guerre d’emplacement qui a débuté avec les prémices de la transition. L’un trace, l’autre rame. N’en pâtissent que l’État et la population.
Le premier est miné de querelles transposées vers lui. La deuxième est de plus en plus blasée de la politique et de ses choses, ses stratèges et ses déceptions.
Son objectif à elle est à très court terme: vivre décemment dans un environnement sain. Mais elle est perdue entre ceux qui n’ont pas perdu de vue leur but ultime et ceux qui se sont perdus eux-mêmes à défaut d’en avoir un.
Perdre pour mieux gagner, Ennahdha semble en avoir fait un credo. Faire de sa victoire, sa propre perte: Nidaa Tounes, le parti au pouvoir, s’en offre comme la pathétique incarnation.
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