La communication par l’image est dépassée. Pourquoi y aller par quatre chemins. Nous sommes dans un contexte qui impose le pragmatisme et le pragmatisme veut que nous allions droit au but.
Il est vrai que les manuels de communication insistent sur l’effet de l’image, sur l’art de la travailler et du bénéfice susceptible d’en être dégagé. Il est vrai que, quand le topo est vierge, il est facile d’ancrer une identité nouvelle, presque exclusivement visuelle, une identité politique faite de superposition de « persona » dégagées dans l’artifice des images et des mises en scène.
Toutefois, pour pareille démarche, ne faut-il pas une cible réceptive? Cette cible, nous autres Tunisiens, avons cessé de l’être.
Alors, quand le Chef du gouvernement retrousse les manches, quand il s’exhibe debout dans une spontanéité artificielle dans son bureau en entrevue avec un de ses ministres, cela fait parler au lieu d’épater.
Quand Youssef Chahed est pris en photo en train d’attendre que son sandwich soit prêt par une photographe que le hasard a placée là, au bon moment. Cela fait parler au lieu d’épater.
C’est cela le but, dira-t-on: faire parler. Mais le Tunisien n’en est plus là. La Tunisie non plus.
Nous en avons vu déjà, ces hasards plaçant un photographe sur la rue où un Mehdi Jomâa a décidé de faire une marche à Paris au lieu de prendre une voiture; en plaçant un autre (mais de la même chaîne télévisée) au quartier populaire de Belleville, là où le même Chef de gouvernement de l’époque avait décidé de manger un fricassé.
La communication par l’image a été celle d’un Ben Ali que l’on voyait quasi exclusivement sans son, dans des reportages ne mettant l’accent que sur son image et ancrant un personnage qu’il s’est avéré ne pas être dès que la voix suppléait les fonds sonores au rythme conquérant.
Nombreuses sont les personnes qui ont critiqué le travail de l’équipe de communication de Youssef Chahed. Ces équipes n’ont, en revanche, fait que leur travail. Leur partie du travail. Car la communication ne peut tout faire et l’erreur est de ne compter que dessus. La communication est l’accessoire qui vient compléter un tableau. Ceux qui en ont fait un artifice de camouflage pour maquiller les lacunes y ont perdu et n’en ont rien gagné.
L’équipe de communication de Youssef Chahed a permis de faire parler de lui seulement à travers deux clichés (l’un assumé, l’autre publié ailleurs que sur leur réseau). Elle a réussi à générer de la visibilité et des réactions.
A Youssef Chahed et à ses conseillers politiques d’y superposer une autre image, autre que celle de l’image justement. A eux de mettre de l’action au portrait figé que seul un discours savamment prononcé, le jour du vote de confiance à l’ARP, anime.
En voyant de l’action, des décisions, des changements autour de lui, dans son quotidien, le Tunisien sera peut-être plus réceptif à ce que peut vouloir dire l’image de la tête de la primature marchant aux côtés de sa maîtresse retrouvée pour les besoins d’un cliché. En voyant qu’il y a de l’action, il appréciera peut-être la simplicité sur photo d’un Chef de gouvernement déjeunant un sandwich chez Dawla, son gargotier préféré. En le voyant changer les choses, il comprendra que l’heure est aux manches retroussées.
Nos cols blancs de la politiques devront comprendre que l’heure n’est plus au calcul de pourcentages, ni à la mesure de leur capital sympathie. Nous sommes en temps de crise, ces temps pendant lesquels on est prêt à être détesté quand on est Chef parce que des décisions douloureuses doivent être prises.
La rentrée politique a des allures très scolaires. L’on attendait pourtant plus qu’un bizutage sur les réseaux sociaux pour le jeune Chef de gouvernement choisi pour ce contexte difficile.
Le but de Béji Caïd Essebsi en proposant un gouvernement d’Union nationale ne pouvait pas être de nous faire aimer Youssef Chahed. La raison qui a poussé Essid, son prédécesseur, vers la sortie ne pouvait pas être de nous faire savoir que celui-ci pouvait encore parler à ses concitoyens.
Son choix comme Chef de l’exécutif ne pouvait pas avoir comme visée de nous faire savoir qu’il pouvait encore manger un sandwich. Sa première réalisation ne peut pas être sa capacité de retrousser ses manches.
Le peuple veut de l’action. Peut-être qu’à ce moment-là il saura apprécier le « personnage ». Mais à chercher la popularité, on s’égare de l’objectif.
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